Transformer par la formation : l'engagement de Fadila Leturcq au sein de l'État

Publié le vendredi 25 avril 2025 | DINUM

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    • Formation

« On ne forme pas juste pour former. On forme pour transformer. »

Depuis un an et demi, Fadila Leturcq dirige le Campus du numérique public de la Direction interministérielle du numérique (DINUM).
Après un parcours riche, audacieux, traversé par des bifurcations assumées, elle incarne aujourd’hui une vision forte : redonner du pouvoir aux agents publics par la formation.
Non pas une formation imposée, descendante, mais une formation choisie, construite comme un levier d’émancipation professionnelle et personnelle.

« Le savoir, le savoir-faire, le savoir-être… c’est le nerf de la guerre. »

Une mission d’utilité publique : l’émancipation par les compétences

Fadila ne parle pas de compétences comme on égrène un référentiel RH.
Elle parle de pouvoir d’agir, de liberté, d’épanouissement, de ce que permet le savoir quand il est transmis avec justesse.

« Le travail est censé être un espace d’émancipation. Mais si on dit aux gens quoi faire sans leur donner les outils pour grandir, on passe à côté. »

Ce qui distingue le Campus

« On ne fait pas de la formation descendante. On fait de l’écoute usager. »

Pas d’offre formatée, pas de catalogue rigide : le Campus écoute les besoins réels.
Ceux des directions, mais surtout ceux des apprenants publics, de leurs encadrants, des accompagnants RH et numériques.

Une approche sur-mesure, concrète, incarnée à travers :

  • Des programmes sur les métacompétences (agilité, posture…)
  • Un parcours pour les (futurs) conseillers en stratégie numérique
  • Des formations en data et intelligence artificielle
  • Des modules sur le design et l’accessibilité
  • Un pôle de formations en compétences relationnelles en cours de consolidation

Ce qui freine encore

« Ce n’est pas qu’une question d’effectifs. C’est une question de légitimité. »

Le Campus reste une petite équipe, avec un fort enjeu de visibilité.
Le vrai défi est culturel : dépasser les représentations de la formation comme acte ponctuel, normé, vertical.

« À l’heure de YouTube, Google, Wikipédia, c’est anormal de devoir demander à son supérieur pour apprendre. »

Une trajectoire personnelle profondément engagée

« Je me suis souvent formée sans demander à ma hiérarchie. Il fallait parfois être un peu insubordonnée. »

Passée des RH au numérique sans diplôme spécifique dans le domaine, Fadila s’est formée seule : MOOCs, lectures, stages, mentorats informels.

Elle revient sur les formations marquantes de sa vie :

  • Les langues à l’INALCO (arabe, hébreu, persan)

« Les langues m’ont appris à penser autrement, à sortir de mon cadre culturel, intellectuel, linguistique. Elles m’ont appris à voir le monde autrement.»

  • La rigueur et l’agilité de l’armée (Préparation militaire supérieure Etat-Major, École de guerre-Terre)

« L’armée est rigide, mais profondément agile. Elle m’a donné envie d’apprendre toute ma vie. »

Deux convictions puissantes

1. Réinternaliser les compétences

« On a fait économiser jusqu’à 400 000 euros à certains ministères en évitant des cabinets de conseil. »

Elle milite pour des capacités stratégiques internes, incarnées par des conseillers publics formés, lucides, opérationnels.

« La réinternalisation de ces compétences, c’est reprendre le pouvoir sur nos outils, nos décisions, nos politiques publiques. »

Elle a conçu un cours de 24h à Sciences Po "Cabinets de conseil privés et ré-internalisation des compétences: la recherche du point d'équilibre" sur cette base qu'elle délivre en parallèle.

2. Briser l’endogamie intellectuelle

« Il faut croiser les mondes. Ne pas rester entre soi. »

Elle promeut une ouverture aux méthodes du privé, aux réflexions associatives, à l’international (Canada, Maroc…) — pour penser la transformation numérique en écosystèmes, pas en silos.

Un moment fort en 2024

« À l’INSP, avec 25 DAC, on a créé un moment de confiance totale. »

Une session d’alignement avec des cadres de tous ministères.
Les échanges ont été ouverts, sincères, parfois vulnérables.
Le ministère des Armées a été l’un des plus bavards.

« On avait créé les conditions d’un vrai moment de co-développement. C’est là que je me suis dit : le Campus est utile. »

Le Campus rêvé

« Mon rêve ? Que chaque agent public connaisse le Campus dès son arrivée. »

  • Un référent formation Campus à l’onboarding
  • Un catalogue de formation intelligent, à la volée
  • Un lieu physique incarnant l’identité du Campus
  • Une logique de formation déclenchée à la demande

« La bonne formation, au bon moment, pour la bonne personne. »

Des projets concrets pour 2025

Ce que ça change sur le terrain

« Former, ce n’est pas cocher une case. C’est provoquer des bascules. »

Les retours des agents sont enthousiastes :

  • « Une formation qui donne du sens, avec soin du facteur humain. »
  • « L’agilité, en fait, c’est une posture. »
  • « Impact direct sur nos échanges et notre manière de travailler. »
  • « Ça devrait être proposé à tous les managers. »

« Vous avez apporté une nouvelle dynamique. Les effets sont déjà perceptibles. Bravo et merci. » (message de la hiérarchie)

Une équipe engagée, humaine, solide

« Si je devais résumer notre équipe en une phrase : décision, action, réaction. »

Elle cite : Aude, Marie, Sophie, Félix, Jihane, Sébastien, Johann, et toutes les prestataires qui portent ce projet au quotidien.

Et si on allait plus loin ?

« Il y a des agents incroyables partout. Des innovateurs silencieux. Pourquoi ne pas leur donner la parole ? »

Elle envisage d’ouvrir le blog du Campus à des interviews de terrain, des témoignages, des récits concrets d’agents publics qui transforment le service public.

« La formation, c’est aussi ça : documenter ce qui fonctionne, créer du lien, inspirer. »

Une phrase pour conclure

« Il faut se former contre soi-même. Aller là où on ne nous attend pas. C’est là qu’on apprend le plus. »

Pour Fadila Leturcq, c’est cela la formation publique du XXIe siècle :
une formation vivante, responsable, connectée aux enjeux d’aujourd’hui,
et capable d’inspirer des trajectoires qu’on n’aurait jamais osé imaginer.